Une ardente patience [-18]

Troublé tout comme la jeune fille, il prit son temps pour la refuser, et ne le fit pas. Cependant, sa disciple ne le vit pas venir, tant affairée à calmer ce qu'elle ressentait en son sein et qu'elle ne comprenait pas. Pourquoi se sentait-elle aussi étrange ? Pourquoi l'amour faisait-il tant d'effets ? Maintenant que Shinken savait qu'elle s'était éprise de lui, l'attente ne pouvait que l'encourager dans ses sentiments, la troubler et la rendre fébrile. Elle frémissait dangereusement, elle se sentait déjà vaciller sous sa propre chaleur et lorsque le visage chéri s'approcha du sien, qu'il lui offrit son premier baiser, elle fut la plus surprise des créatures du monde.

L'étonnement se disperça rapidement, remplacé par un immense bonheur qui circula dans ses veines, la faisant trembler sous l'excitation. Kitsune se sentit défaillir. Mais elle se trouvait toujours contre Shinken comme elle n'avait jamais osé l'espérer. Alors, la jeune fille s'aggripa à lui. Dans son trouble, elle avait compris que tout devrait se faire dans le silence, mais elle avait l'immense et l'irrépréssible besoin de laisser éclater son bonheur, ou il la trouverait étendue, sans souffle dans la seconde. Ainsi, Kitsune reprit le contrôle sur elle-même, et ne se laissant pas submerger par sa conscience et ses pensées qui risquaient de la paralyser pour longtemps, elle tenta de rendre à Shinken ce qu'il venait de lui faire ressentir.

Il fallait qu'il sente qu'elle avait besoin de lui, qu'elle ne survivrait pas à un refus maintenant qu'il avait commencé à la consommer. Elle le voulait pour elle tout entier, sans aucune demie-mesure, sans penser à rien, et surtout pas au conséquences de leurs actes. De toutes façons, ils ne pouvaient faire marche-arrière.

Un engrenage infernal s'était lancé. Kitsune répondait d'une manière si intense au baiser du jônin que lui même se retrouvait à vibrer de concert avec elle et ce de façon exponentielle. Lorsqu'elle se cramponna à lui comme si elle eut peur qu'il ne regrette son geste initial et tournerait les talons, il lui répondit en la serrant plus fort, rassurant et déterminé dans son choix. Il s'était peut être floué, mais cela n'avait pas été une mauvaise chose en soit, elle avait pu grandir avec son sentiment, le mesurer, le peser, passer de l'adolescente bousculée par ses hormones à une jeune adulte sincère et convaincue.

De son côté, Il savait pouvoir accepter cela, c'était différent évidement, mais pas moins puissant. Son amour pour elle avait toujours existé, il le faisait juste muter. Elle n'était pas sa fille, ils ne partageaient aucune parenté. Elle avait peut être pris sa décision depuis des années et quand bien même mesurait il le poids du sien, il ne voulait pas se détourner d'elle. Elle le méritait plus que toute autre, plus que celles avec qui il avait eu ces moments intimes et passagers, pour une vie entière et même plus encore.

Alors sa conscience prit enfin le dessus, il lui offrirait tout, sans limite, car il n'existait personne d'autre à son œil qui ne soit plus digne qu'elle pour cela. Elle le voulait et le lui montrait avec une passion qu'il n'avait jamais connu auparavant et il fut frappé par son manque total de savoir à ce sujet. Elle était en pleine tempête, sans savoir quelle corde tirer pour suivre le bon cap. Et à nouveau, il se sentit le maître inculquant à l'élève, mais il n'en fut pas fier pour la première fois, car ce qu'elle s'apprêtait à lui offrir, il ne pourrait jamais le lui rendre totalement.

Il se promit de tout lui donner, sans concessions. Mais l'endroit n'était pas approprié, malgré toute l'intensité du moment, il ne pouvait pas s'autoriser à ce que n'importe qui puisse briser cet instant. Délicatement, sentant qu'elle le tiendrait coûte que coûte, il fit glisser sa propre étreinte jusqu'aux cuisses de la belle, puis à l'arrière de ses genoux. Il la souleva comme si elle ne pesait rien tout en se mettant sur ses propres appuis, sans briser le lien de leurs lèvres scellées. Malgré toute sa maîtrise sur lui-même, malgré tout les talents qu'on lui prêtait, sa situation était particulièrement complexe.

Il savait où il voulait se trouver seul à seul dans ce dojo, avec cette femme qui le désirait lui et lui uniquement, mais il n'était qu'un pauvre borgne et son seul iris n'osait se révéler que pour admirer la beauté du visage, éblouissante, que le temps avait façonné sur sa jolie élève d'autrefois. Son seul moyen fut de se diriger vers le mur le plus proche, plaquant la belle un peu brusquement malgré ses infinies précautions.

Le périple jusqu'à l'arrière salle du dojo, où l'équipement était entreposé de tel manière qu'ils pourraient s'isoler afin de s'adonner à leur passion, ne fut pas une mince affaire et Kitsune ne l'aidait pas vraiment en cela, ce de quoi il n'aurait pu lui en vouloir, au vu du goût exquis qu'elle lui laissait en bouche et de la douceur offerte de ses lèvres. Un tatami renversé au sol accueilli la renarde sur le dos, délicatement posée par son ancien maître, aux antipodes des prises de taijutsu d'autrefois.

Elle lui avait déjà montré toute sa conviction, elle le voulait dans l'instant et il se rendait compte qu'il devait impérativement accéder à cette requête, d'abord pour elle, pour tout ce qu'elle avait endurée par sa faute, puis pour lui, car si il n'allait pas plus loin, il fuirait inévitablement, son désir plus fort que sa honte dans l'état actuel des choses, il ne voulait pas que la tendance s'inverse.

Il voulu néanmoins être certain de ne pas se tromper, de ne pas abuser d'elle, que tout deux avanceraient ensemble sur ce chemin, sans le moindre doute. Avec une tendresse immense, il mit fin à leur premier baiser qui avait duré une éternité, dans le but unique qu'elle le fixe dans le fond de l’œil pour répondre à sa question muette, cherchant l'acceptation de l'adulte qu'elle était devenue, le sésame de la certitude de l'élève devenue l'amante.

Sans rompre leur premier baiser, Shinken la souleva et entreprit d'aller avec elle dans l’entrepôt, ce qui se révéla un véritable parcours du combattant. Kitsune n'avait plus pieds, seulement portée par son ancien maître qui la plaqua contre le mur, heureusement matelassé de la même manière que les tatamis. Pourtant, elle savait que le trentenaire faisait de son mieux pour la guider là où ils seraient dissimulés aux yeux du monde afin de consommer leur passion.

Son dos racla le mur tandis qu'il cherchait à tâtons l’entrepôt, mais la jeune fille tenait bon et encourageait Shinken de sa langue et de son baiser. Alors que son cœur battait la chamade et qu'elle commençait à angoisser à propos de leur ébat futur, elle caressait son dos musclé sous son kimono afin que son envie ne passe pas devant tant de difficultés.

Ils arrivèrent enfin dans la pièce sombre et Shinken la déposa doucement sur un tatami heureusement étalé là. Ils avaient toujours leurs lèvres scellées, mais Shinken rompit le baiser. Il était maintenant temps pour eux de passer à autre chose. Les événements allaient si vite, elle n'était pas certaine d'être prête à cela...Cependant, elle hocha la tête un peu timidement et sourit. Elle se redressa juste assez pour se débarrasser de son haut et dégrafer ce qui dissimulait ses atouts jusqu'à présent, continua à se déshabiller afin de l'aider dans sa démarche. Ils allaient accomplir ce dont elle avait toujours rêvé. Même si la jeune fille avait peur de cette expérience encore inconnue, elle ne pouvait qu'être heureuse.

Elle tremblait devant l'inconnu certain qui la guettait, mais elle ne se désarmait pas pour autant. La courageuse Kitsune. Non... Elle allait devenir SA courageuse Kitsune. La réponse de cette dernière au regard interrogateur de Shinken avait été silencieuse, mais profondément évocatrice. Dans les yeux de la renarde brillait la flamme d'un rêve éveillé, recentrant le junin sur son propre aveuglement, frappé de ne pas avoir décelé le désir qu'elle avait éprouvée pour lui depuis tant de temps.

Elle révéla la grâce sans secret de ses lignes déjà suggérées par son kimono et ses vêtements habituels, une plastique façonnée par le nindo, l'exercice et une grande partie de dons que la nature avait opérée sur elle. Elle était fébrile, trop prompt, si bien qu'il trouva qu'elle gâchait quelque peu son propre instant. Il retint ses gestes finaux qui parvenaient presque déjà vers le saint des saints et s'apprêtaient à lui laisser découvrir la fleur qu'elle souhaitait lui offrir sans une hésitation.

Dès lors, il s'avança sur elle délicatement, l'étendant à nouveau, mêlant sa main droite dans les cheveux et reproduisant l'union de leurs lèvres dans un nouveau baiser, bien plus profond encore que le premier et autrement plus embrasé. De sa main gauche, il caressa le cou de celle qui devenait son aimée alors qu'elle n'avait été que son élève chérie, moins d'une heure de cela.

Puis il fit délicatement descendre ses doigts le long de la poitrine d'abord, vint le ventre ensuite dont il souligna la structure abdominale merveilleusement soignée de la renarde, mais il n'arrêta pas sa course là, continuant plus bas encore, passant outre le dernier rempart de tissu masquant le sanctuaire recherché.

De cette main, il stimula avec une précaution et une patience illimité cette porte des plaisirs défendus, d'abord en douces caresses, puis en appuis plus précis avant d'en entrouvrir le séant sans pour autant s’engouffrer en son sein avec violence. Il mit au défi, dans cette situation critique, celle qu'il ne considérait déjà plus autrement que comme celle qui le compléterait, de le dévêtir à son tour, puisqu'elle l'avait tant souhaité et de découvrir ce qu'elle avait recherché sous les couches de son propre kimono, son œil unique toujours ouvert pour voir si elle serait satisfaite de ce qu'elle y trouverait.

Shinken sentait néanmoins le barrage juvénile toujours présent et qui ne manquerait pas de se briser à son passage lorsqu'il déciderait d'entreprendre la conquête de ce territoire inexploré autrement que du bout de ses doigts. Il savait que ce ne serait pas un instant facile, que ce serait même pénible, mais que pour qu'il puisse exprimer son désir et pour lui faire vivre le paradis qui se trouvait au-delà, il s'agissait d'un moment nécessaire, indispensable.

Pourtant, l'idée simple qu'il puisse lui faire du mal, même si cela ouvrirait la voie de la possibilité d'une félicité incommensurable, le terrorisait. La blesser lui paru un instant inconcevable, si bien qu'il manqua de tout cesser sur le champ à cette pensé. Il se trouva alors puéril, son inconscient et l'insistance de Kitsune l'encourageant à poursuivre et le poussant à aller jusqu'au bout.

Il ne souhaitait plus que se joindre à elle, ne faire plus qu'un avec elle, mais ne voulait rien non plus hâter, ne rien forcer sinon cette insignifiante frontière au sein de celle qui ne serait jamais plus son élève, mais qui parcourrait son chemin à l'avenir et pour toujours une fois que cette première union, ce pacte physique serait consommé.

Sa main droite entreprit de rassurer sa partenaire dans l'acte futur, son baiser se fit plus intense pour lui faire oublier la douleur qu'il allait inévitablement lui faire ressentir, ne serait ce qu'un peu. Puis d'un coup d'un seul, de son index et de son majeur gauche joints aux milieu des chairs, aussi précis qu'il l'aurait été dans la tempe d'une victime pour l'assassiner, il brisa l'obstacle qui les aurait empêché de poursuivre. Dans son seul œil azuré, une profonde inquiétude et une tristesse certaine de devoir ainsi faire couler le sang de celle qu'il s’apprêtait à aimer se mêlaient à toute la chaleur qu'il éprouvait pour elle.

Pour autant, il ne retira pas sa main, préférant poursuivre la stimulation qu'il avait entreprit afin que rien d'autre ne puisse altérer l'instant où leur fusion adviendrait. Mais ses gestes ne pourraient rester sans conséquences et il craint un instant qu'elle ne le rejette après le mal qu'il venait certainement de lui faire subir...

Lorsque Shinken saisit Kitsune par les poignets pour retenir ses gestes, elle crut qu'il allait l'abandonner là, en si bonne route parce qu'elle n'avait pas été à la hauteur et n'avait pas su le retenir. Une peine immense passa dans son regard. Heureusement, le jeune homme ne fit rien de tout cela, au contraire. Il l'encouragea à s'étendre de nouveau sur le tatamis, et glissant une main dans ses cheveux, l'embrassa encore, ce qui allégea Kitsune de ses craintes. Elle l'étreignit doucement. Elle pouvait lui faire confiance, il n'allait pas s'en aller, la laisser ainsi, ridicule et bafouée. Rien de tout cela n'arriverait. A présent que la jeune fille qui allait devenir femme tentait de se détendre de son mieux, elle sentit ses angoisses secondaires l'attaquer de toutes parts, mais ne pur retenir un sursaut lorsqu'elle sentit les douces caresses des doigts de son aimé sur son corps de jeune fille.

Kitsune grimaça, confuse de ne pouvoir se contrôler et surveilla les agissements de Shinken du coin de l'oeil. Bien sûr, cela ne fut pas une mince affaire puisqu'ils s'embrassaient encore et le bal de leurs langues était déjà bien engagé. Elle crut le mordre sans le vouloir alors qu'elle sentit sa main au plus proche de sa plus précieuse intimité. Bien sûr, la jeune fille l'avait voulu, seulement, elle n'avait jamais ressenti pareille caresse à un endroit si sensible...Elle eut tout à coup très chaud et des gémissements incontrôlés s'échappaient de sa bouche sans qu'elle ne puisse rien y faire. C'était si agréable qu'elle en voulait encore...jusqu'à ne plus le supporter.

Tout cela était tellement soudain, tellement fort, tellement chaotique...La jeune fille se concentra sur son baiser afin de recouvrer un semblant de contrôle sur la situation. Juste un semblant. Alors Kitsune lut dans l'oeil de Shinken qu'il était en attente, qu'il la désirait lui aussi, mais qu'elle ne s'était pas encore occupé de lui. Quoi, maintenant ? Alors qu'elle défaillait ? Que tous ses mouvements étaient devenus gauches et maladroits sous ses caresses ? Alors qu'elle peinait même à retrouver le fil de ses pensées ?

Puisqu'il le souhaitait, elle éloigna ses lèvres un instant des siennes et s'affaira à retirer les tissus qui le recouvrait. Elle tira et dénoua son Obi sans façon, on aurait dit une sauvage, et se concentra pour délasser péniblement les attaches intérieures de son kimono. D'abord le haut, puis le bas. A présent que Shinken était entièrement dévêtu, elle se permit de l'admirer et elle confirma qu'il était véritablement son idéal masculin, même si elle peinait à détacher ses yeux de ce qu'elle découvrait alors avec fascination et crainte mêlées. Comment allait-elle s'occuper de cela ? Elle apprenait tout juste comment ça fonctionnait ! Elle risqua sa main dessus, comme s'il s'était agi d'une petite créature craintive bien que bizarre...

Heureusement et avant qu'elle n'aille plus loin, les lèvres de Shinken vinrent s'imposer en douceur sur celle de Kitsune et elle put reprendre son travail pour se détendre et s'apaiser. Cependant, la jeune fille le sentait maintenant buter en elle, c'était inédit et assez désagréable, mais ça allait, elle n'avait pas envie de gâcher son moment pour cela et ce fut après un certain temps qu'elle se sentit crier et le repousser brusquement. Elle avait été totalement prise de cours...Pourtant, Shinken n'était pas encore en elle, et elle avait crié de douleur ! Heureusement, alors que la jeune fille se redressait, elle se retint de se mettre debout pour fuir et se rallongea doucement, la douleur déjà endormie par les caresses qu'il exerçait sur elle. Constatant la réaction de Shinken, elle se dit que ça devait être normal. Elle lui faisait confiance après tout, et elle l'aimait, elle entreprit donc de l'embrasser pour le rassurer.