Rien de tout cela ne lui ressemblait, ou c'était tout le contraire, il n'était plus certain de rien. Kitsune était étrange aujourd'hui, ou bien l'avait-elle toujours été. Alors qu'elle tentait à grand peine de répondre à sa question suivie de ses réprimandes, il se mis à réfléchir. Depuis quand sa petite guerrière accomplie au ninjutsu, l'une de ses plus grandes réussites et l'une de celle à qui il tenait le plus avait-elle pu devenir cette femme étrange et gauche en sa présence ? Elle s'excusait, se perdait dans cette tentative d'explication sous son œil intrigué.
La peau de son visage rougissait de façon inhabituelle, était-elle malade ? Tout ceci fusait dans l'esprit du Jônin sans que cela ne le satisfasse pleinement. Quel monstre cachait-elle en son sein qu'elle ne désirait pas laisser sortir et provoquant cette suite illogique de propos ? Il se remémora la joie qu'ils avaient eu lorsqu'elle avait passé son grade, s'était confirmée en tant que ninja. Puis les choses s'étaient accentuées, l'entrainement était devenu plus dur, mais elle tenait bon.
Sa petite perle assimilait sans mal l'apprentissage, buvait chacun de ses conseils, les traitants comme des vérités absolues, ne remettait jamais en question ses propos, comme nombreux l'avaient pourtant fait avant elle. Puis elle arrêta simplement de parler, se rendant compte d'un fait qui parut gênant, au vu du rougissement de son visage. Il suivit le regard de son ancienne élève incommodée pour réaliser qu'il lui avait quelque peu désorganisé la tenue dans sa prise. Sous son kimono de combat, il fut frappé de voir ce que le temps avait opéré sur la plastique de sa jeune élève.
Ses mots de l'instant d'avant lui parurent futiles. Elle était devenu bien plus qu'il ne l'avait décrit. Sa beauté étouffait tout ce qui pouvait exister à Kiri... peut être même plus que cela. Non. Il se refusait à penser ça. Elle était comme une fille pour lui, c'était indigne ! Et elle était déjà en train de tenter de s'échapper de sa poigne, probablement meurtrie dans son honneur d'être ainsi découverte, ses sous vêtements peu appropriés au combat à la vue de l’œil unique, probablement dérangeant pour elle, de Shinken.
Il en fut si désolé qu'il s’apprêta à la lâcher et à reprendre le flambeau des excuses qu'elle avait tenue jusque-là. Mais elle cessa simplement de se débattre, sa main sur le bras de son maître. Lorsqu'elle parla à nouveau, elle ne le regardait plus. Et tout devint plus clair, trop clair pour un seul iris, si bien que le Jônin aurait voulu être aveugle et sourd après cette annonce. Mais ce qui était fait était fait. Il avait ignoré le changement dans le regard de sa chère apprentie, il n'avait pas voulu le voir. Il s'était aliéné à ses petites attentions, lorsqu'elle se proposait pour tout ce qu'il entreprenait, même si cela allait aux antipodes de ses capacités.
Elle n'avait jamais conçu un instant à le laisser sans nouvelles d'elle et il avait bien compris qu'elle lui vouait un intérêt certain. Il avait placé ça sous une forme de respect, il s'était caché derrière l'image d'un père dont elle n'avait jamais souhaité la présence, en quête de bien autre chose. Il s'était voilé la face, menti à lui même et le monstre qu'elle cachait lui renvoyait tout ses mensonges au visage.
Il ne lâcha pas sa prise. Il la changea simplement, desserrant doucement sa main du pan de kimono et détendant ses doigts jusqu'au trapèze de la jeune fille. Son seul œil azuré cherchait ceux de son élève d'antan, et il ne voyait plus que la femme à présent, dont il avait totalement caché l’existence à sa propre conscience. De sa main libre, il alla chercher la joue de celle qu'il voyait pour la première fois, ou du moins, qu'il acceptait dorénavant de voir et orienta son visage afin qu'elle ne puisse pas se soustraire à sa vu. Il avait été si injuste avec elle, si terriblement égoïste dans sa zone de confort à la cataloguer dans les mêmes cases que tout ses apprentis.
Il s'était écarté d'elle, prétendant la laisser s'envoler de ses propres ailes, trois ou quatre ans plus tôt. Mais c'était lui qu'il avait voulu protégé. Seul depuis toujours, des amourettes fugaces sans importances. Mais elle, ce regard qu'elle avait sur lui, il l'avait toujours vu ainsi et personne ne l'avisait comme ça. Il se mit à sourire, mais sans la moindre joie. Profondément déçu de lui-même. Il regarda tristement la femme sublime étendue sous lui, ne lui opposant aucune défense, déjà offerte à lui depuis des années alors qu'il lui tournait littéralement le dos.
« Stupide n'est pas celui qui le dit, mais celui qui se crois le plus sage. Kitsune, je suis désolé. Je ne voyais pas... Ou je ne voulais pas voir. J'ai du te faire du mal... Bien plus que je ne le croyais simplement lorsque tu te blessais durant nos entraînements. »
Ce n'était plus une enfant depuis si longtemps. Il avait tout à fait le droit de jeter son propre temps par les fenêtres, mais d'avoir ainsi fait attendre sa ravissante élève, c'était une injure crachée sur son joli visage. Certain de rien, perdu en tout, il posa son deuxième genou à terre afin de réduire la distance qui subsistait entre elle et lui et fit passer sa main droite de la joue jusqu'à la nuque de la renarde de la façon la plus douce qui soit.
Sa main gauche, quant à elle, glissa de la proximité du cou de la jeune fille jusqu'à sa taille, passant derrière son épaule dénudée sans tenter un seul instant de la rhabiller au passage. Il termina la course de sa poigne dans le dos de la belle et la tira en position assise le plus délicatement du monde. Puis il la serra simplement contre lui et lui souffla simplement à l'oreille :
« Là. Pardonnes moi. Je suis là à présent. Je t'écoutes et je te vois. »