Dans ce cadre atypique pour le duo, la belle et l'ombre s'adonnaient à un nouvel échange très particulier. Lui, tentait de dissimuler sa véritable nature derrière des faux-semblants et une attitude un peu trop cordiale. Elle, espérait protéger sa famille grâce au déni et désirait ardemment soumettre cet homme, pour le bien de ses filles. Toutefois, aucun des deux n'arrivait à briser la routine passée. En voulant agir hors de leurs habitudes, chacun s'enfonçait dans un mensonge qui ne convainquait qu'eux seuls. Si une telle mascarade avait eut lieu plus tôt, peut-être que cela aurait été un succès. Mais à présent, les deux serviteurs de l'Empire se connaissaient trop pour tromper l'autre. Toutefois, à y repenser, que savait Kagero de cette ombre insaisissable ? Quasi rien. L'asymétrie de l'information était évidente et périlleuse pour la Kunoichi. Néanmoins, elle osait encore croire qu'elle pouvait protéger Soshi et Kyoko. Pour empêcher ce glacial manipulateur d'agir contre sa famille, la Geisha était prête à vendre son âme, quitte à la corrompre éternellement.
Soudain, le Miwaku débuta une lourde confession. Comme une demande de jugement, il mettait la brune aux nattes blanches face à la réalité. Malgré ses allures de gentleman, la machine demeurait bien là. Impassible et sévère, Azamuku évoquait son travail sans aucun gant, ni remords. Presque avec fierté, il proclama la mort de centaine d'inconnus et inscrit dans le marbre la nécessité impérieuse de ses actions. Face à ce discours surprenant, le cœur de la quarantenaire connut de nombreux troubles. Tout d'abord, lorsque le prénom de sa fille fut évoqué, elle tenta en vain de cacher son intérêt. Les yeux ronds, elle comprit trop tard l'ampleur des responsabilités qui pesaient sur les épaules de son aînée. Puis, une étrange compassion naquit dans sa poitrine. Qu'avait donc subit cet être pour devenir ainsi ? Qu'avait donc fait l'Empire ?
Instinctivement, elle posa sa main sur la sienne et plongea son regard le plus doux à travers ses froides pupilles. Elle se savait impuissante et ignorante, mais finalement, lui aussi était un Miwaku à sauver. Pourquoi ne l'avait-elle pas compris plus tôt ? Pourquoi avait-elle était aussi aveugle ? Après avoir dégluti lentement ses regrets, Kagero éclaircit sa voix et tenta de répondre à la question de son interlocuteur.
« À mes yeux, tu es un frère de sang déraciné. Une âme sur qui je peux compter pour redresser notre clan. Une passion semblable nous anime, je le sais. Toutefois, je ne suis pas naïve. Nous sommes différents. Contrairement à moi, tu as oublié tes origines pour progresser et pour servir tes convictions les plus profondes. Ton passé et ton présent sont désormais morts. Seul ton avenir compte. Et ce dernier, est totalement dédié à l'Empire. Alors que moi, je suis liée à mes expériences et mon histoire tragique. Ils agissent comme catalyseurs et me permettent d'affronter les épreuves de la vie. En fin de compte, je comprends mieux pourquoi nous avons tant de mal à nous comprendre... »
Un court silence vint ponctuer ses propos francs. Un léger regard fut alors lancé vers les lueurs du plafond.
« Pourtant, au fond de moi, je sais que tu n'es pas aussi apathique et insensible que tu le prétends. Tu as simplement perdu la capacité et l'envie de renouer avec ta défunte humanité. Or, quoique tu peux en penser, si tu arrives à faire la paix avec ton identité profonde, tu deviendras un soldat encore plus efficace et précieux. »
« Par exemple, tu pourrais enfin réussir à jouer les galants hommes sans avoir à force de le trait. »
Un rire sincère émana de la poitrine de la Geisha. Ce souffle plein de vie résonna dans la pièce, comme pour chasser la pesanteur de la conversation.