À l’ouest de Kinchū s’étendent les vastes Champs de Chikaze, une plaine agricole presque infinie, battue par les vents. Depuis des siècles, cette zone a servi de grenier nourricier à la ville impériale, alimentant ses marchés, ses garnisons et ses élites. Ses terres fertiles n’ont jamais cessé de produire, saison après saison, riz, légumineuses, et racines précieuses.
Pourtant, ces terres paisibles en apparence portent les stigmates profonds de plusieurs générations de conflits. Le sol, retourné et remué par l’agriculture comme par la guerre, recèle encore bien des vestiges. Il n’est pas rare que des travailleurs y découvrent, à la faveur d’un labour trop profond, des fragments d’armes anciennes, des pièces d’armure rouillées, ou parfois même les ossements oubliés de soldats sans nom. Par endroits, les sillons suivent encore le tracé de vieilles tranchées effacées, comme si le terrain lui-même refusait d’oublier.
Dans les parties les plus reculées, à la lisière des haies sauvages, persistent les vestiges d’un ancien clan rural dont le nom s’est perdu, mais dont les croyances subsistent à travers quelques symboles gravés dans la pierre ou les bois flétris. Ce peuple vénérait une divinité féminine oubliée, une Déesse de la Vie et de la Prospérité, qu’ils croyaient venue pour insuffler souffle et fécondité au monde. On retrouve parfois, dans les champs abandonnés ou autour d’anciens puits, de vieilles statues brisées la représentant : une femme aux cheveux blonds ondoyants, sculptés avec une finesse inattendue pour ce milieu rural.
Les autorités impériales tolèrent la présence de ces artefacts, tant qu’ils ne gênent pas la production. Les plus superstitieux des paysans laissent parfois une offrande de riz ou de fleurs sauvages au pied d’un vestige, murmurant que tant que la Déesse veille sous les vents, la terre ne cessera pas de porter ses fruits.
