Seth chancelle, soutenu par Hikaru, ses pas de plus en plus lourds, comme si la terre elle-même refusait encore de le laisser tomber. Son souffle est court, sifflant entre ses dents, et chaque battement de cœur résonne dans son crâne comme un tambour funèbre. Ses yeux, mi-clos, semblent déjà ailleurs. Pas ici. Pas maintenant.
Alors que le groupe ralentit, il lève lentement la tête. Son regard traverse Hikaru, traverse Tetsuko, traverse ce monde blessé... pour s’enfoncer dans un autre, plus ancien, plus vert.
« Je… je vois… la jungle… »
Un frisson le parcourt. Il sourit faiblement, les lèvres fendues de sang. Il voit les terres de son enfance
« Les feuilles… elles dansaient dans le vent… Et la mer… La mer tapait contre les rochers noirs… Comme un tambour de guerre. »
Il se met à genoux, incapable d’aller plus loin. Ses mains s’écrasent contre le sol de verre, comme s’il tentait d’y planter ses racines une dernière fois. Il halète, le regard fixé sur un horizon que seul lui peut encore voir.
« L’île… Elle brûlait… Ils… ils criaient… On a fuit, pour trouver l'éden, et nous avons apporté la guerre sur une terre qui n'avait pas besoin de nous… »
Il serre les dents. Une larme roule sur sa joue, pas une larme de tristesse ou de peur, mais une larme de paix retrouvée. Puis, relevant les yeux vers Tetsuko et Hikaru, il murmure, plus calme, plus doux.
« Je n'étais pas destiné à vivre de ce côté du monde. »
La voix de Seth est presque un soupir, portée par un fil d’air, mais chaque mot résonne avec une force étrange, comme gravé dans la pierre.
« Mais je me suis battu à vos côtés, Je suis né Kirishitan, je meurs Konohajin »
Son corps tremble. Sa tête vacille, puis s’appuie lourdement contre la poitrine d’Hikaru. Une main ensanglantée agrippe encore faiblement le tissu de son vêtement. Ses lèvres bougent, lentement, comme s’il luttait contre le poids du monde pour dire encore une chose, une dernière vérité.
« Alors… n'oubliez pas mon nom. Pas parce que j’ai brillé. Pas parce que j’étais fort. Mais parce que… Je me suis tenu en frère à vos côtés jusqu'au bout »
Son souffle devient rauque, haché, puis plus léger… plus irrégulier. Le silence s’installe, épais comme une brume sur le champ de bataille. Mais dans ce silence, quelque chose demeure vivant. Un battement, un écho.
Au creux de son esprit, les falaises de son île natale émergent lentement. Les lianes s’enroulent autour des arbres géants, les racines plongent dans une terre humide et chaude. L’air est chargé de sel, de vie, de souvenirs. Les chants d’oiseaux tropicaux percent la canopée. Et la mer... oh, la mer...
La mer danse, sauvage, bleue comme le ciel des jours sans guerre. Les vagues viennent s’écraser contre les rochers noirs, encore et encore, rythmées comme une prière ancienne. Une brise soulève ses cheveux. Il sent l’odeur des fleurs d’ylang. Il revoit les rires de son enfance, les ombres des anciens, les jeux fous dans les branches, les pieds nus sur les pierres brûlantes...
Là, il n’est plus Seth le shinobi. Ni le survivant. Ni le guerrier. Là, il est juste un enfant. Un enfant revenu chez lui.
Et dans ce monde intérieur qui s’ouvre, vaste et doux, la jungle ne brûle plus. Elle fleurit. Elle l’accueille. Au milieu de celle-ci Risako et Salomon l'attendent…
Son visage se détend. Son corps s’alourdit.
Et dans les bras d’Hikaru, Seth après des années d'errance de souffrance, d'amitié, d'amour, de massacres et de guerres. Enfin ! Trouve la paix.