Discussion au Washitsu

        Face à l'autre, Yomei et Masashi étaient assis en style Seiza. Une table basse séparait les deux corps. Deux coupes à Sake étaient disposées sur la table, l'une pour l'un et l'une pour l'autre. La Washitsu (la salle) était utilisée pour les rencontres plus intimes et moins cordiales. Il était situé à l'arrière du bâtiment du Kage, proche du jardin des beautés. De cet endroit, on pouvait d'ailleurs entrevoir quelques parties verdâtres de celui-ci. Le bois du shōji était de qualité. Une seule table semblait réellement habiller le lieu, le reste était d'un banal phénoménal. Masashi, après avoir pu avaler une gorgée, prit soudainement la parole :



        Yomei avait fait le voyage du temple à ici, accompagné de deux membres du futur nouveau clan de Kumo. Il avait pu rejoindre le Raikage directement dans le Washitsu. Comme habituellement, ils furent silencieux jusqu'à qu'ils se retrouvent seuls. Une habitude vieille de quelques années déjà.



        Les criminels n'étaient pas nombreux au sein de l'empire, mais ils existaient malheureusement. Le Raikage s'inquiétait pour son invité, il le respectait énormément. Aussi bien pour son handicap que pour sa sagesse.

Cela faisait des années qu'il avait souhaité couper sa vision du monde, et pourtant son regard n'avait jamais cessé de se poser sur un meilleur futur pour Kumo. Aujourd'hui, cet handicap n'en était plus un. Il avait cessé de laisser passer le flux d'informations superficielles pour ne se concentrer que sur les plus importantes. Ici, il ne pouvait témoigner de la beauté et de la simplicité des lieux, et pourtant, il appréciait ce petit coin reculé de Kumo comme aucun autre. Ses mains reposaient sur la douceur d'un bois travaillé par une main experte. La seule sensation de ce contact était suffisante à l'aveugle pour constater de l'inégale oeuvre de son créateur, un travail d'artiste, probablement même une oeuvre unique.

Cela faisait désormais plusieurs années qu'il n'avait pu revenir sur ces lieux qu'il ne connaissait que trop bien. Les deux hommes n'avaient pu converser ainsi depuis longtemps, et pourtant les choses se passaient comme à leur habitude. Le Raikage semblait soucieux de son convive. Yomei attendit quelques instants après que son hôte ait prit une première gorgée pour l'imiter. Il souhaitait le rassurer.



Yomei était un homme de main, mis à la disposition du Raikage depuis longtemps. Il avait connu le fils succéder au père, et avait toujours tenter de rester un homme de franchise tant pour l'un que pour l'autre. Il revêtait au travers de sa peau, une apparence un calme sans faille, mais était dans le fond un homme de caractère. Apprécié pour sa droiture et son esprit travaillé, il n'avait pour ambition que de servir au mieux le bien du village.



C'était un moment privilégié dans la vie qu'il avait décidé de mener. Pour bien des hommes, le Raikage Hattori Masashi était ce symbole de puissance sans commune mesure, et uniquement ce symbole. Peu d'homme connaissait véritablement la personnalité qui se dégageait derrière cette apparence. Yomei n'en faisait pas parti, c'était d'avantage pour l'homme qu'il était que pour ce qu'il paraissait, qu'il respectait profondément Masashi.
Définitivement, il aimait ce moment.

        En repensant à son père, Masashi eut le réflexe de regarder un portrait le représentant à sa gauche. La pièce semblait être un musée des Raikage, plusieurs générations trônaient en cette pièce. Le Hattori s'y était longtemps réfugié avant de prendre le poste de Kage, il avait longtemps recherché à comprendre l'essence même du dirigeant. Encore aujourd'hui, il possédait un mal fou à estimer l'utilité de la tâche face aux yeux mesquins des rebelles. L'alcool était fort, un Sake de qualité, l'ancienne ombre se refusa à en reprendre pour le moment. Il laissa son interlocuteur parler pour ensuite répondre :



        Le Kage repensa aux nombreux sacrifices de Yomei. Il fut obligé de quitter son domicile, oublier son poste de Senseï à l'académie des jeunes Hattori, etc... Ce titre prestigieux porté jadis par ce Junin était une réelle marque de confiance. Élever les jeunes pouvait signifier bien des changements au sein d'une culture comme celle de Kumo. Sans réellement manquer de tact ni contourner la raison de la présence du ninja, le Raikage reprit :



        Hattori Hino... Protectrice du parti de l'apaisement de Kumo. Amie de Hattori Yomei, des rumeurs semblaient même parler d'une ancienne relation amoureuse. Masashi n'écoutait pas cela, il préférait connaître l'avis du "vieil" homme sur le sujet.



        Effectivement, le Hattori ne comptait pas les utiliser. Ce clan devait continuer à servir Kumo, qu'importe le chef. Pour la survie du village.

Masashi sembla exprimer sa gratitude envers Yomei d'avoir accepté ce rôle qu'il endossait depuis tant d'années maintenant. A l'époque, le Junin n'avait pas eu à hésiter une seule seconde pour donner son choix. Pourtant, les sacrifices furent nombreux, et la vie qu'il eut à mener par la suite bien moins bonne que celle qu'il avait avant cela dans le village de Kumo. Mais Yomei était un homme dévoué pour la cause de ce dernier, il était d'une pensée ancienne... Un homme qui n'avait, dans cette ère, que peu de semblable.



Le Junin finit la coupelle de Sake que lui avait servi Masashi. Comme à son habitude, le Raikage semblait avoir un goût prononcé pour l'alcool de caractère. "A quoi bon boire si la qualité de la boisson n'y est pas ?", une phrase du paternel qu'il avait entendu de nombreuses fois. Le rejeton ne défiait pas la règle.
Yomei continua d'écouter silencieusement le Raikage qui entama le vif du sujet de cette convocation. Dans le village de Kumo, différents partis politiques s'étaient installés et semblaient cohabiter silencieusement. Mais de récentes interventions causèrent des dégâts bien plus importants. Un nouveau parti semblait donc naître de l'ombre, avec des pensées bien plus extrémistes que le front de la Libération. Peut-être était-ce une branche issue de ce dernier ?
Ce dont il était question, en la présence de Yomei, était du comportement et de la discipline des Shinayaka. Un point d'honneur que le Junin clarifia sans peine.



Yomei ne présentait aucun doute, il savait que l'endoctrinement avait été exercé avec excellence. Aucun des Shinayaka désormais survivant n'avait la moindre défaillance de comportement. Toutes leurs pensées étaient dévouées à Kumo, par l'intermédiaire de Yomei. Le junin grimaça en entendant le nom de Hino... Une femme qu'il avait apprécié comme aucune autre, mais dont il avait dû faire abstraction pour le bien de son service. Son décès n'avait encore trouvé de sens et de consolation.



L'intransigeance de Yomei lui avait permis de mener à bien cette mission qu'aucun autre homme n'aurait pu accomplir avec tant de rigueur. C'était là, les deux aspects de la personnalité de cet homme... La sagesse de l'expérience et l'intransigeance de la rancune.

Contrairement à son père, Masashi n'avait réellement su adhérer intérieurement au fait qu'un homme possède autant de pouvoir... Il était bien trop tard pour faire marche arrière. Et puis, le Kage possédait toujours sa place de protecteur de Kumo, un Shinayaka en serait forcément réceptif.



Le Raikage marqua un blanc, se servit et avala. Il reprit :



Un export de la lance, ils n'étaient pas si nombreux au sein de Kumo. L'un semblait parfaitement coller au profil... Fallait-il agir dans la précipitation ?

A son habitude Hattori Yomei, était venu avec un petit "présent". Il avait depuis toujours, apporter quelque chose de très personnel. Ici, le temps s'était écoulé rapidement, alors en cette journée, il avait décidé d'apporter un objet très particulier. Il déposa alors sur la table une petite boite d'une dizaine de centimètres de large, pour une quinzaine de centimètres de long, décorée singulièrement. Il ne l'ouvrit pas, et la repoussa en direction de Masashi.



Il n'en dit pas plus, il souhaita que le Raikage découvre par lui-même cet échange, témoignant de fidélité. Yomei resta calme et serein, il savait que le "présent" d'aujourd'hui nécessiterait quelques mesures particulière.