Kagero ne s’était nullement préparée à ce qu’elle découvrit : la maison, but même de sa présence ici, se dressait bien devant elle, mais le paquet qu’elle espérait retrouver avait disparu. Ce fut une douche froide. Elle réalisa qu’elle ne cherchait pas tant à comprendre le présent qu’à se raccrocher à une vision idéalisée de son futur. La Miwaku avait toujours été ainsi : avançant vers ce qu’elle croyait être sa destinée, quitte à se voiler les yeux sur la réalité.
La bâtisse, d’apparence banale, exhalait pourtant quelque chose d’étrange. Les volets pendaient, les planches grinçaient au moindre souffle de vent, et l’air ambiant portait cette odeur légèrement âcre des lieux trop longtemps fermés. D’après les habitants, cette demeure était liée à la disparition récente, et ses occupants étaient les seuls à pouvoir avoir eu un lien avec des utilisateurs d’énergie.
À l’intérieur, rien de spectaculaire… du moins en surface. Les murs nus révélaient des ombres plus claires là où des meubles avaient été déplacés ou retirés, dessinées par les caresses obstinées du soleil. Le propriétaire avait voulu effacer quelque chose, et cela se voyait. Les pièces sonnaient creux, comme vidées à la hâte.
Un vieil homme aveugle du village, qu’elle avait interrogé plus tôt, lui avait parlé de deux sœurs. Pourtant, la maison ne contenait que deux lits : l’un large, usé, sans doute celui d’un père ; l’autre, plus étroit, parsemé de couvertures colorées, appartenait à une fille d’âge mûr si l’on en jugeait par les ouvrages soigneusement empilés sur une étagère ; philosophie, récits d’aventures, quelques carnets griffonnés ainsi que des objets modestes, témoins de ses hobbies. Mais pas la moindre trace d’une deuxième chambre, ni d’un troisième lit. Même les cadres étaient absents des murs, comme si la maison refusait de garder mémoire d’une autre présence.
Un local, goguenard, s’était moqué d’elle quand elle avait cherché à savoir si d’autres événements mystérieux avaient eu lieu, en dehors des étranges éclipses. Sa réponse avait été un éclat de rire : « Si la présence de l’Empire te paraît normale, alors rien d’autre ne l’est. » Voilà qui confirmait leurs patrouilles récentes sur l’île. Une pensée glaçante la traversa : et si les propriétaires avaient déjà été arrêtés, emmenés par les soldats ?
Elle murmura pour elle-même, dans un souffle qui se perdit dans le silence des lieux :
« Je ne pensais pas devoir me mêler aux forces impéri… »
Toc, toc, toc… !?
Un bruit sec retentit, brisant la torpeur. Son cœur s’emballa. Qui pouvait bien frapper ? L’Empire ? Peu probable : si les gardes étaient au courant, ils n’auraient pas eu la courtoisie de toquer. Peut-être le retour des mystérieuses filles évoquées par le vieillard ? Si c’était le cas, c’était une occasion inespérée d’en apprendre davantage.
Elle jeta un rapide coup d’œil autour d’elle. Aucune fenêtre ne permettait de voir dehors sans être vue. Le silence retomba aussitôt, pesant, seulement troublé par le battement régulier de son cœur dans ses tempes. Inspirant profondément, elle se glissa à l’angle de la porte, son dos plaqué contre le mur. Là, tapie dans l’ombre, elle attendit, chaque muscle tendu, prête à bondir si l’inconnu avait l’audace d’entrer.