Marche Mortuaire

Saori n'avait toujours pas saisi tous les ressorts et implications du plan, cela dit elle avait attentivement écouté les instructions de Kyoko, elle en avait fait une liste dans sa tête. La première de ces instructions était de disparaître de la ville quelques jours avant l'arrivée de la reine. C'est ce qu'elle fit, elle voyagea à travers champs et forêts, trouvant des informations intéressantes, ou non. Beaucoup de choses avaient changé sur le Yuukan, et tout semblait lier de près ou de loin à Kyoko. Le moment où elle l'avait rencontré, elle avait le sentiment que tout avait basculé, que ce soit pour elle ou pour le continent, pas que ça la dérange particulièrement, c'était simplement une remarque.

Elle campa à droite à gauche, alla dans des auberges, cela pourrait être sa vie après tout. Simplement ne rien faire de particulier, quoique, elle s'ennuierait vite et malgré le lot de critiques, elle devait avouer que suivre Kyoko dans ses.. folies était quelque chose de très divertissant.

Quoi qu'il en soit, le nombre de jours requis avait passé, alors elle retourna au sein de la capitale et se dirigea vers la boîte morte. Le texte était à la fois très clair mais également très flou :

Réfrigirateur 42B; route principale, sortie ouest, 20000 pas, tout droit

Voilà des indications parfaitement bizarres, mais elle était habituée à Kyoko et cela ne l'étonnait guère. Elle détruisit la boîte morte avant de se mettre en marche. Selon les plans récupérés par Kyoko, cette morgue avait un réseau d'aération assez important, c'est comme ça qu'elle s'en chargerait. Elle n'avait besoin que d'une chose : une charrette, c'était la dernière inconnue de son plan. La Chikara partit à la recherche de cette fameuse charrette, si possible remplie de paille.

Elle ne prit pas beaucoup de temps avant d'en trouver un, elle vérifia simplement que personne n'était aux alentours avant de le prendre comme si de rien n'était. Alors elle se dirigea vers l'arrière du bâtiment, qui lui n'était pas gardé, elle enleva alors une grille de ventilation murale en prenant soin de placer la charrette de paille juste devant.

Elle s'infiltra ensuite dans le conduit, carte à la main afin de ne pas se perdre. Elle préférait faire ça en journée, ainsi elle serait moins suspecte pour son exfiltration, qui allait être la partie la plus importante. Elle navigua, encore et encore dans les tuyaux, suivant attentivement la carte.

Droite, gauche, tout droit, droite, droite... c'était un casse-tête mais on s'y faisait vite… Pendant ce temps de trajet plutôt long, Saori se concentrait sur le fait de ne pas être repérée dû à son chakra, elle n'était pas sur que cela ait une quelconque utilité, mais il fallait mieux prévenir que guérir non ?

Après une plutôt longue marche à 4 pattes dans les conduits, la Chikara arrivait enfin à l'endroit voulu, Kyoko lui avait donné des documents très précis concernant les patrouilles, elle n'avait alors qu'à attendre qu'une de ces patrouilles passent, ensuite elle aurait une petite dizaine de minutes pour faire ce qu'elle avait à faire. C'était largement suffisant, Saori avait fait exprès de prendre une marge assez grande afin de ne pas se mettre à stresser, une mission stressante avait moins de chance de réussite qu'une mission avec des timings larges.

Une fois la patrouille passée et suffisamment éloignée, elle retira soigneusement la grille d'aération avant de se rendre devant les sortes de frigidaires qu'il y'avait là. Il n'y avait pas à dire, cet endroit était véritablement macabre. Mais Saori ne se laissa pas décourager, cherchant de case métallique en case métallique celle qui porterait le panneau 42B; qu'elle finit d'ailleurs enfin par trouver. Elle l'ouvrit et retira le cadavre qui était dans un sac mortuaire, il pesait légèrement moins lourd que ce à quoi Saori s'attendait. Mais alors qu'elle s'apprêtait à le faire rentrer dans le conduit, elle sentit quelqu'un approcher.



Se demanda-t-elle à voix basse. La Chikara se dépêcha alors de mettre le corps dans le conduit avant de se cacher dans le couloir perpendiculaire. Elle attendit que la personne se rapproche avant de lui enfoncer une aiguille dans le coup, elle la récupéra instantanément, il ne devait pas y avoir de traces. Elle déplaça également le corps de l'homme inconscient à la place du cadavre pour que personne ne se pose de questions.

Elle reprit alors son travail. Elle était surprise de la difficulté de pousser un cadavre dans un conduit fin, mais elle n'avait pas le choix et de toute façon elle avait le temps. Elle devait cependant être très précautionneuse à ne rien casser, rien que pour l'odeur afin de pouvoir réussir son exfiltration. Elle y passa alors un long, long, looong moment, peut-être une demie heure en tout. Elle finit alors enfin à arriver au bout et à mettre le sac dans la charrette, qui était plutôt une sorte de longue brouette en fait. Maintenant, elle devait se dépêcher pour quitter la ville avant que l'homme inconscient se réveille.

Tout se passa sans encombres, elle savait qu'elle devait se dépêcher car l'équipe de pistage ne tardera probablement pas, mais elle avait pris toutes les précautions possibles : brouillage de piste, odeurs... Son plan était ficelé, et solidement.

Elle finira enfin par arriver à l'endroit indiqué, elle n'était pas sûre d'être au bon endroit car elle avait sûrement dû dévier un peu, mais il y'avait une cabane à peu près où elle avait calculé, donc c'était censé être ça...

Les minutes s’écoulaient tandis que Tan patientait au sein d’un bâtiment situé dans un coin du quartier administratif. Il n’y avait pas âme qui vive dans les environs, l’endroit était suffisamment excentré pour que les patrouilles ignore l’endroit la plupart du temps, ce qui, la femme l’espérait, laisserait le champ libre à Saori pour arriver jusqu’ici. Tan remarqua son arrivée au bruit distinctif de la charrette qui roulait sur les pavés, elle jeta un coup d’œil discret, vérifiant que tout se passait comme prévu, avant d’ouvrir la porte du bâtiment dans lequel elle se trouvait :



Lui dit-elle discrètement. Saori n’aurait probablement aucun mal à la reconnaître. Après tout, Tan était relativement connue à la capitale, notamment parce-qu’elle avait gravit les échelons très rapidement en dépit du fait qu’elle venait tout bonnement de nul part. Sa famille n’avait aucun sang noble et personne ne savait exactement quel genre de travail elle effectuait pour l’Empereur, ou pour Kyoko, avec qui elle était fréquemment aperçue. D’inconnue à magistrate et de magistrate à ministre, son évolution n’était pas sans attirer la curiosité, et les mauvaises langues, notamment à cause de son orientation politique, qui, sans être en faveur des shinobis, souhaitait les épargner. Toutefois, personne n’osait jamais remettre en question les décisions de l’Empereur, il avait des raisons que peu étaient en mesure de comprendre et le poste de Tan était l’une d’elles.
Les deux jeunes femmes se retrouvèrent alors à l’intérieur, laissant la charrette dehors pour le moment. Il restait une dernière étape pour que Saori ne puisse conclure cette mission, tandis que Tan s’occuperait du reste.



Lui dit-elle alors qu’elle refermait la porte derrière elle. Elle observa Saori de haut en bas, malgré les années elles n’avaient jamais eu réellement l’occasion de se parler. Tan savait qui elle était mais elle octroyait difficilement sa confiance aux autres. Elle ne pouvait s’en tenir qu’à la parole de Kyoko lui disant qu’elle ne causerait pas de problèmes, ni pendant, ni après la mission. Tan demanda alors :

Alors qu'elle faisait rouler sa charrette sur le pavé, Saori se fit interpeller par Tan, ministre de l'Empire. La Chikara était surprise de voir quelqu'un de son rang dans de telles conditions, particulièrement elle. Autant Kyoko avait toujours eu un entourage très étrange, autant Mikito Tan était peut-être la plus étrange de tous. Elle ne venait de nulle part et elle n'était vraiment pas présupposée pour des postes aussi haut. Elle était mystérieuse et, même si Saori la croisait de temps en temps, elle était vraiment digne d'intérêt.



Kyoko avait tendance à donner des missions qui parfois pouvaient se demander très... exigeantes. Saori était passée très proche de la mort à de nombreuses reprises alors maintenant elle n'était plus vraiment à ça près. Mais cette fois-ci elle avait eu toutes les informations possibles, cela avait rendu la mission bien plus facile, sans cela elle n'aurait probablement rien pu faire. Kyoko était particulière mais elle ne l'aurait pas lâchée simplement dans la nature.



Elle sortit la boite et lui tendit une des aiguilles, cela dit, cette demande était bizarre alors Saori se mit donc sur ses gardes.



Avait-elle quelque chose à vérifier ? Voulait-elle endormir Saori ? La Chikara savait que Kyoko pouvait donner des ordres un peu particuliers, voir que Tan soit à la solde de l'Empereur. Pour toutes ces raisons, Saori préférait donc se méfier.

Lui répondit-elle plutôt froidement. Il y avait trop en jeu pour prendre le moindre risque pouvant aisément être évité. Saori avait accomplie sa mission avec soin et son rôle aurait du s’arrêter là, mais elle allait devoir prouver sa loyauté encore une fois.



Tan se tenait prête, car si Saori refusait elle n’aurait d’autre choix que de lui injecter lui même. La Kitto lui avait dit qu’elle ne devrait pas poser de problème, mais elle préférait se parer à toute éventualité. Parmi les membres de l’administration impériale, Tan était l’une des seules dont l’on avait une idée de ses compétences au combat, car cette dernière avait été sur le terrain de multiples fois, prouvant sa maîtrise du kenjutsu. Sa main non loin de son sabre, elle ajouta :



Il n’y avait pas de raison pour que Saori soit interrogée si elle avait vraiment réussie sa mission sans se faire repérer, mais si c’était le cas elle n’était sûrement pas sans savoir que les interrogatoires impériaux étaient musclés, capables de faire plier n’importe qui. Pire encore, depuis l’arrivée de Chikara Shirona au sein de l’Empire, ils avaient une utilisatrice rompue au genjutsu à leur disposition. Impossible de prendre le moindre risque.

Saori regarda Tan, elle n'avait clairement pas envie de faire ce que la ministre lui demandait. Elle se doutait que c'était pour des mesures de sécurité, mais elle avait l'impression de ne pas être totalement en sécurité ici. Faire ce geste ne la rassurait clairement pas.

Elle soutenu le regard de Tan, évaluant ses différentes options, même avec son sabre à portée elle avait une chance de l'emporter si elle tenait à se battre, elle n'était pas parfaitement au courant des capacités de la femme qui se tenait à côté d'elle, mais il y'avait fort à parier que Saori était plus douée dans ce domaine. Où alors elle pourrait piquer Tan avant de prendre une décision au calme...

La Chikara soupira et détourna le regard avant de se diriger vers la chambre qu'on lui avait indiquée.



Elle s'allongea alors dans le lit, respira un grand coup avant de s'enfoncer l'aiguille dans la peau et de lentement perdre connaissance.

À la grande satisfaction de Tan, Saori accepta finalement. Tan ne pouvait que se réjouir que ce dénouement, bien qu’une part d’elle regrettait de la forcer à faire cela, mais c’était pour son bien également. Un jour peut-être seraient-ils tous libérés de ces secrets et de ces manigances sans fin…



Chuchota Tan tout en regardant Saori se rendre dans l’autre pièce. La loyauté de Saori était louable, bien que malgré toutes ces années tu n’arrivais toujours pas à comprendre ce qui les faisait rester. Est-ce qu’elle et Kohana étaient vraiment au fait de ses plans ? Puis, alors qu’elle détournais le regard, celui-ci croisa son propre reflet dans un miroir placé dans l’entrée. Tan n’avait-elle pas déjà la réponse à ces questions après tout ? Même elle avait été convaincue, après que Kyoko lui ait montré ce que le monde et le chakra étaient réellement. Ce jour là elle prit une décision qu’elle ne pourrait certainement jamais réparer, mais depuis elle n’avait jamais cessé d’obéir, presque aveuglément. Était-ce un genre de confiance ? Pas vraiment… La Kitto était d’ailleurs difficilement amicale, même en privé. Alors ce n’était pas non plus la raison pour laquelle elle restait et prenait tant de risques pour son compte. Il y avait autre chose, une raison plus profonde que Tan s’efforçait d’oublier chaque jour. Finalement, elle soupira avant de sortir du bâtiment, une partie du travail restait à faire et sortir le cadavre de la capitale n’allait pas être une mince affaire…