Les archives familiales recelaient de secrets et de légendes tous plus fantastiques les uns que les autres. Depuis des années déjà, Yukiko en dévorait les pages, faisant de ces univers de feuilles et de parchemins son monde à elle, ouvrant son imaginaire grâce à ces fenêtres ouvertes sur des territoires inconnus. La réalité n'avait pas le moindre intérêt comparée à ces puits de connaissances compulsés et répertoriés par ses parents, les leurs avant eux et ainsi de suite. Fade, sans la moindre saveur, elle s'échappait plus que de mesure de son environnement présent en s'isolant dans les lignes de ces ouvrages, dans le silence de son domaine, à la simple lueur de bougies.
Elle ne ressentait ni solitude ni inconfort dans ce fait, s'en satisfaisant à merveille. Elle n'enviait guère les jeunes filles de son age qu'elle ne connaissait pas ou peu, de toute façon, entourées de pseudo-amis et attirées par de piètres et futiles velléités. L'ennui qu'elle ressentait hors de ses propres murs était sans limites, exception faite des rares fois où elle se perdait en pensés, admirant la force des flots s'écrasant sur les falaises entourant le village de leur frêle et temporaire protection.
L'héritière des archivistes se perdait cette fois ci dans une fresque romanesque, contant les aventures d'une guerrière que rien ne pouvait, au premier abord, détourner de ses objectifs martiaux. Cependant, un homme issu des plus basses castes dont rien ne laissait attendre la profondeur de cœur apprenait à cette dernière à ressentir, contempler, apprécier son entourage autrement que par le fil de ses épées. Prise dans le flux du roman, elle se sentait la guerrière et son âme chavirait presque devant la douceur et la patience de l'humble ère, provoquant la déchirure inévitable au sein des sens de l'héroïne. L'homme, fasciné par la vaillance de la belle, ne se révélait pourtant pas à elle comme soupirant. De haute naissance, la duelliste émérite allait se voir mariée au puissant héritier d'un noble sang, du choix de ses géniteurs et non du sien. C'est alors que le brave jeune garçon en vint à...
Le bruit la dérangea finalement. On s'échinait à frotter quelque chose contre le bois d'une étagère, non loin d'elle, l'arrachant à la captation qu'exerçait le roman sur son âme. Elle chercha la source de ce nouvel ennui du regard et ses yeux rouge tombèrent sur ce jeune cerf malappris d'une branche bien moins noble des Gaikotsu que ne l'était celle de Yukiko. Elle ne savait que peu de chose à son sujet, si ce n'était que ses parents lui avait trouvé un travail au sein de la maisonnée. Homme de ménage. Ce n'était pas bien glorieux pour un garçon dont le corps paraissait taillé par la finesse des arts martiaux. Elle le voyait frotter, concentré à sa tâche, ses bras nus afin de lui faciliter les mouvements. Elle soupira d'ennui et se préparait à aller l'invectiver lorsque ses yeux sang tombèrent sur la couverture de son livre.
Son cœur se mit à battre sans raison apparente, incontrôlable et elle senti le rouge lui monter aux joues. Impensable, inacceptable. Elle était maîtresse de son corps et de son esprit et il était hors de question qu'un pitoyable parallèle fut envisagé par son inconscient entre sa situation et la fiction qui l'avait tenue en haleine quelques instants auparavant. Elle fronça les sourcils et se leva de son fauteuil afin d'aller toucher deux mots à l'opportun. Arrivée à sa hauteur, celui ci poursuivit son office sans prêter attention à sa présence, ce qui l'offusqua grandement. Elle se racla la gorge, battant du pied au sol, puis annonça d'une voix comparable à un vent polaire descendant d'un glacier naturel vers les plaines en contrebas, gelant tout sur son passage :
« Dites moi, paysan ? Je vous sommes de cesser de suite vos agissements. Allez donc récurer dans une autre pièce que celle où je me trouve. N'avez vous donc pas vu que je me situais là en quête de paix et de silence où bien êtes vous né aveugle et stupide pour ne pas faire les connexions nécessaire à cette simple compréhension ? »
Elle venait de clôturer sa phrase en croisant les bras de façon autoritaire, sans que son visage n'exprime autre chose que l'agacement.