Ton cousin t'avait repris sur ton éducation, tu avais parlé avec une certaine désinvolture à la Miwaku qui vous faisiez face. Il était vrai que tu n'étais pas toujours des plus douces et ne prenais pas forcément des pincettes pour parler. Mais tu étais ainsi, que pouvais-tu y faire ? Ceci venait probablement de tes gênes... Le sang Hattori coulait dans tes veines. Mais, malgré la prestance de ton cousin et son éloquence, tu savais que lui aussi, possédait l'insolence de votre clan, et celui-ci te le prouva lorsqu'il congédia la gouvernante d'un geste de la main. Geste ponctué d'un simple mot de ta cousine...
Idiote... Bien évidemment, elle n'avait pas parlé à voix haute, mais, vous trois possédiez une audition des plus précise. Alors, à sa simple remarque, tu lâchas un simple gloussement, regardant la servante quitter la pièce, qui probablement, allait tenter de se renseigner davantage à notre sujet.
Miyu posa la seule bonne question. Qu'alliez-vous faire désormais ? Alors, encline à toute sorte de distraction qui t'avait manqué durant les dix années à vivre dans une grotte, tu fis le tour de la pièce à la recherche d'une seule chose... Les instruments de musique. Dans de nombreuses pièces d'Ahen existait une estrade où différents musiciens venaient distraire les membres du club. Et tes yeux tombèrent dessus. Tu t'avanças d'un pas déterminé, le regard fixé sur un seul instrument, celui de ta prédilection. À seulement quelques mètres de celui-ci, tu déposas ton verre sur le sol, et te retournas vers Miyu.
« Voilà qui m'avait manqué ! Des instruments de qualité ! »
Bien évidemment, les musiciens étaient majoritairement issu du clan Miwaku, et bien nombreux d'entre eux étaient incapable de se fournir des instruments de qualité supérieur. Cependant, il était tout simplement hors de question qu'une troupe viennent se produire auprès d'Hattori avec des instruments de seconde main, alors, Ahen avait acquis eux même ce qui se faisait de mieux sur le marché. Chaque artiste se produisant au sein du club, se voyait prêté des instruments qu'ils ne pourraient jamais s'acheter. Très jeunes, nous avions été sensibilisés à l'art musical. Miyu, Fusamune et moi-même avions donc très rapidement demandé à apprendre auprès des différents artistes. Bien évidemment, ce genre de pratique était contraire aux moeurs que l'on inculquait aux Hattori, mais qui s'inquiétait réellement de cela pour nous trois ? Personne.
Alors, tu montas sur l'estrade, confiante, ne lâchant plus du regard un violon qui t'avait fait de l’œil. Tes mains attrapaient l'instrument avec cérémonie et délicatesse. Tes doigts se retrouvaient à caresser le manche de l'instrument. Tu ne pouvais que reconnaître le talent du luthier qui avait créer ce chef d'œuvre. Ton regard admirateur observait les différentes essences qui le composaient, chaque partie du violon avait son bois associé et des raisons précise d'être utilisé. Tu humas l'odeur du vernis, ou devrais-tu dire,
des vernis, car tu savais que pour un seul instrument, il pouvait être nécessaire d'appliquer jusqu'à une trentaine de couche successive afin de lui rendre la sonorité parfaite. Des semaines entières de travail se trouvaient entre tes mains. Et tu savais comment lui rendre grâce. Avec une douceur, tu apportas l'archet au niveau du manche. Tu fermas quelques instants les yeux alors que ton index venait compresser certaines cordes avec une précision digne d'un chirurgien. Et lentement, tu vins offrir une mélodie qui aurait fait verser une larme à n'importe quel guerrier. Tu passas du bourdon à la chanterelle dans une élégance sans pareille. Les cordes vibraient avec beauté, faisant vivre de leurs agréables sonorités la caisse de résonance. Une larme s'échappa de tes paupières, tu n'avais plus joué avec un tel instrument depuis votre départ d'Ahen. Dix longues années où l'artiste que tu étais s'était retrouvé privé d'un ustensile digne ta compétence. Ta mélodie envoûteuse emplit la pièce, la faisait vivre de la nostalgie que dégageait l'air que tu jouais. Les minutes s'enchaînèrent, sans que tu ne puisses t'arrêter. Tu étais en pleine transe artistique, le bas de l'instrument posé sur ta clavicule gauche offrant ton plus beau legato lorsqu'une corde finit par céder sous la pression que tu lui imposais.
De nouveau plongé dans un silence absolu, tu redescendis, les jambes tremblantes de l'estrade. Tu repris le verre que tu avais posé à même le sol, l'amenant à tes lèvres et t'abreuvant de son alcool brûlant. Enfin, tu te laissas retomber en arrière, le dos sur des coussins, lançant à tes cousins :
« Comment avions nous pu vivre dix longues années sans une telle qualité ? »
Et à peine venais-tu de finir ta phrase, que de nouveau, des pas se fit entendre derrière la porte.